Aujourd’hui pour l’anniversaire d’Oncle Shu, nous avons décidé de revenir sur 5 grosses claques lyricales que nous a offert Shurik’n au cours de sa longue et prolifique carrière de rappeur. Cela permettra aux plus jeunes de découvrir les standards de qualité du rap dans les années 90 et aux plus vieux comme moi de replonger dans mes premiers chocs d’adolescence.

Pour les 2 petits pélicans qui se roulent déjà par terre en hurlant « Quoi ? Mais shurik’n a fait bien plus de couplets cultes que ça !! » ou bien « ta pa mit se kouplé la tu cauné vréman ri1 o rap fdp» !

CALME TOI !!

Oui, Shurik’n a lâché beaucoup plus que 5 couplets cultes mais c’est le principe d’une sélection, il a fallu choisir et éliminer avec tristesse même si c’est déchirant et injuste. Mais la vie est injuste.

Pour les autres, proposez-moi vos meilleurs couplets en commentaires, ils feront peut-être l’objet d’une prochaine sélection !

Nés sous la même étoile

Commençons avec « Nés sous la même étoile ». Alors que la France découvre « L’École du Micro d’Argent », ce couplet retient particulièrement l’attention du grand public. Shurik’n fait une comparaison à la première personne entre l’enfance d’un gamin défavorisé et celle d’un enfant aisé et commence chacune de ses phrases par « Pourquoi ? » pour exposer l’idée d’injustice sociale au cœur de la chanson. En plus de toucher le public du rap, le public plus « littéraire » réalise que les rappeurs jouent avec la langue, maîtrisent les figures de style – en l’occurrence l’anaphore – et proposent une vraie qualité d’écriture dans leurs textes. Il fallait ça pour se détacher de l’image du « Mia ». Shurik’n est plutôt coutumier du fait mais nous en reparlerons un peu plus tard.

Tam-Tam de l’Afrique

Je triche un peu avec les « Tam-Tam de l’Afrique » puisque Shurik’n est l’auteur de tous les couplets sur cette chanson, ce qui me permet de ne pas choisir et d’en placer trois pour le prix d’un ! Dans ce morceau, très important dans la discographie d’IAM, Shurik’n fait un récit horrifiant de l’esclavagisme et de ses conséquences sur les populations maltraitées. Les plus fans d’entre vous se souviendront que c’est le début des « Tam-Tam de l’Afrique » qu’AKH et Shurik’n s’amusent à chanter dans les interphones, au McDo et à la télé dans « Donne-moi le micro ».

On peut aussi noter dans les « Tam Tam de l’Afrique » la présence d’un sample de « Pastime paradise » de Stevie Wonder, 4 ans avant le hit planétaire « Gangsta’s Paradise » de Coolio.

Le Sachet Blanc

Comme pour les « Tam-Tam de l’Afrique », « Le sachet blanc » est un solo de Shurik’n sur un album d’IAM, « Ombre est Lumière » dans le cas présent. Il y raconte le circuit de l’héroïne en faisant une sorte de dézoom qui part des « pas d’un pauvre mec pressé » jusqu’à ceux qui « ne se trimballent qu’en limousine » et reboucle son histoire avec « les pas d’un pauvre mec pressé ». Remarquable. Et c’est ainsi que le rap français deviendra pour longtemps un solide pourfendeur du trafic de drogue, de son argent et de ses méfaits. Hein ?

IAM jouera ce morceau en 1995 sur la scène des Victoires de la Musique alors qu’ils viennent d’être élu « groupe de l’année ». Ils l’ont choisi comme deuxième single pour s’écarter le plus possible de l’image que le succès du « Mia » leur a collé.

Lettre

Encore un solo de Shurik’n, mais cette fois-ci sur son premier album solo. Il a été difficile de choisir parmi tous les classiques de cet album mais sa « Lettre »  se détache vraiment du reste de l’album par la vive émotion qu’elle inspire. D’ailleurs c’est la chanson de cet album que Shurik’n a lui-même choisi de jouer dans la tournée des 20 ans de « L’école du micro d’argent » en 2017. « Lettre » est une lettre-testament où Shurik’n grand-père s’adresse à son petit-fils et lui confie tous ses regrets, les erreurs qu’il a faites et qu’il ne voudrait pas qu’il reproduise. Dans cette chanson, Papy Shu répond directement aux « Pourquoi ? » du gamin dans « Nés sous la même étoile ».

La disparition imminente du grand-père est présente dans l’urgence du flow, on est à la fin d’un film tragique hollywoodien, on retient ses larmes, c’est à la fois simple, efficace et beau. C’est aussi l’une des plus belles illustrations de la capacité qu’ont eu les rappeurs à cette époque (très inspirés par le cinéma) à prendre un point de vue extérieur, rentrer dans la peau d’un personnage, raconter une histoire (on dirait aujourd’hui « faire du storytelling »).

Enfin, je suppose qu’Orelsan (très fan d’IAM selon son propre aveu) avait cette « Lettre » quelque part dans un coin de la tête lorsqu’il a écrit ses « Notes pour trop tard ».

Demain c’est loin

L’un des plus importants piliers du groupe IAM devait être… Un solo de Shurik’n ! Akhenaton l’entendant travailler sur le morceau y est allé de son petit couplet et bien lui en a pris car ce petit chef-d’œuvre conclut L’École du micro d’argent de façon magistrale.

Shurik’n fait appel à sa mémoire pour faire un récit quasi documentaire de son entourage, des gens qui vivent au jour le jour, pour qui « Demain c’est loin ». Le coup de génie d’Oncle Shu sur ce morceau est de reprendre le dernier mot de chaque strophe pour commencer la suivante, ce qui crée un effet de « boucle » qui colle parfaitement à l’instru. Par ailleurs, la répétition des mots et l’absence de refrain alourdissent l’idée de fatalité très présente tout au long du texte. Tout cela pour nous offrir ce que beaucoup considèrent comme le meilleur morceau d’IAM.

Photo de couverture : Thesupermat