Chaque région de France possède ses propres traditions pour les fêtes de fin d’année ! En Provence, la tradition des 13 desserts est l’une des plus emblématiques. Découvrez l’histoire et les différentes significations qui se cachent derrière cette tradition gourmande !
L’origine des 13 desserts
La première mention de plusieurs desserts de Noël à Marseille (pas exactement 13) remonte en 1693. Cette année-là, un curé de Marseille, François Marchetti évoque les différents fruits et la pompe à l’huile qui régalent les foyers au cours des deux derniers jours avant Noël. À cette époque, la présentation de nombreux desserts sur la table de Noël est un signe d’abondance et d’opulence pour les familles.
Entre 1783 et 1787, Laurent Pierre Bérenger, poète et moraliste français est le premier à décrire les différents desserts de Noël provençaux dans son ouvrage Soirées provençales ou Lettres de M. Bérenger écrites à ses amis pendant ses voyages dans sa patrie. Il cite notamment les figues, les raisins frais et secs, les pruneaux de Brignoles, les oranges, les pommes et les poires, les cédrats confits ou encore les nougats. Encore une fois, aucun chiffre n’est indiqué.
La première mention des 13 desserts apparaît beaucoup plus tard : en 1925 dans un numéro du journal La Pignato consacré aux fêtes de Noël. Un écrivain d’Aubagne, Joseph Fallen y écrivait : “Voici une quantité de friandises, de gourmandises, les treize desserts : il en faut treize, oui treize, pas plus si vous voulez, mais pas un de moins”.
Les 13 desserts sont traditionnellement consommés le soir du 24 décembre au moment du gros souper. Le gros souper désigne le repas que mangent les familles catholiques provençales avant de se rendre à la messe de minuit. En Provence, c’est le repas le plus important de l’année. On l’appelle gros souper car durant le reste de l’année, notamment dans les campagnes, les repas des paysans étaient souvent très simples, la vie étant rude à cause du manque d’eau.
Sur la table, sont dressées trois nappes blanches superposées les unes sur les autres qui symbolisent la Trinité. On y dispose également trois bougies. La première évoque le passé et le souvenir des proches défunts, la seconde symbolise le présent et la fidélité aux amis et aux parents. Enfin, la troisième symbolise le futur et les bonnes choses à venir (la perspective d’un enfant à naître par exemple). La table du gros souper est également décorée avec les trois siétouns (petites coupelles) dans lesquelles le blé de la Sainte-Barbe a été semé.
Le plus beau service à table de la famille est utilisé. Il ne faut pas oublier d’ajouter un couvert supplémentaire pour le mendiant qui viendrait sonner à la porte ou pour le proche défunt.
Durant ce gros souper, les Provençaux consomment 7 repas maigres qui symbolisent les 7 douleurs de Marie. Ces 7 plats sont accompagnés de 13 petits pains qui symbolisent la Cène : le dernier repas du Christ, partagé avec ses 12 apôtres.
Il n’y a pas de menu attitré pour ce repas mais les convives retrouvent généralement sur la table du poisson (souvent du loup ou de la morue), de l’anchoïade, de l’aïoli, des gratins de différents légumes, du céleri, des épinards ou encore de la courge. Chaque convive se doit de manger un peu de tout. Ensuite, vient la messe de minuit. Les convives qui n’y assistent pas n’auront pas de dessert. Les 13 desserts sont servis au retour de la messe. La quantité de dessert est tellement riche qu’il est de tradition de les laisser sur la table durant les trois jours suivants (trois jours qui symbolisent encore une fois la Trinité).
Pourquoi 13 desserts ?
Dès le XVIIe siècle et l’apparition des premières mentions des “desserts de Noël”, si le nombre de mets est aussi riche c’est parce que ce moment du repas est censé symboliser la richesse du foyer. Les mets présentés sur la table ne sont pas forcément des produits de luxe mais représentent plutôt les différentes réserves de fruits que les familles ont constitué pour l’hiver, notamment à Marseille qui est une ville qui a toujours apporté une grande importance à son terroir. Les habitants préparaient donc le menu du gros souper et des 13 desserts en fonction de la production locale et domestique. Cela explique pourquoi les fruits ont une place si importante dans la composition des 13 desserts.
Certains disent que les 13 desserts ont toujours existé, d’autres affirment que les 13 desserts n’avaient pas de nom et qu’on les appelait communément le dessert. Vraisemblablement, les 13 desserts ont commencé à être reconnus au nombre de 13 dans les années 1920. S’il est désormais attesté que les desserts qui composent la fin du gros souper seraient au nombre de 13, c’est parce que ce chiffre possède une signification religieuse. Les 13 desserts font référence au dernier repas pris par le Christ et ses 12 apôtres avant sa crucifixion. Ils auraient ainsi remplacé la tradition des 13 petits pains qui est tombée dans l’oubli au début du XIXe siècle. L’expression 13 desserts arrive très tardivement. En effet, les Provençaux commencent à l’utiliser de manière régulière à partir du milieu du XIXe siècle. Il faut savoir que la tradition des 13 desserts est une tradition qui a mis longtemps à se codifier. Ce n’était pas quelque chose d’attesté mais un rituel qui s’est construit et a évolué au fil du temps en fonction des croyances et des pratiques populaires de chacun pour finalement devenir un élément emblématique du folklore provençal de nos jours.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la construction de la tradition des 13 desserts, vous pouvez consulter l’article Va pour 13 ! de Brigitte Brégéon-Poli.
Quelle est la liste des 13 desserts ?
Il n’y a jamais véritablement eu de liste attestée des 13 desserts. Elle varie en fonction des préférences des différentes familles. Il y a toutefois certains produits que l’on retrouve sur la plupart des tables le soir du 24 décembre. En voici la liste :
- La pompe à l’huile qui est LE gâteau traditionnel des fêtes de fin d’année en Provence. Parfumée à l’huile d’olive et à la fleur d’oranger, la pompe à l’huile est une sorte de pain sucré et plat que l’on vient rompre comme Jésus l’a fait avec le pain lors de son dernier repas. Si vous l’avez manqué, retrouvez l’article que nous consacrions la semaine dernière à la recette de cette spécialité emblématique du Noël provençal.
- Les mendiants ou li pachichoi qui représentent les ordres religieux du XIIe siècle nommés les ordres mendiants car ils ont fait le choix de vivre dans une pauvreté extrême et ne doivent leur survie qu’à la générosité du peuple. 4 mets sont ainsi présentés autour de la pompe à l’huile. Leurs couleurs évoquent celle des robes des différents ordres religieux : la figue évoque l’ordre des Franciscains, les noix et noisettes représentent les Augustins, les amandes représentent les Carmélites et les raisins secs évoquent les Dominicains.
- Les fruits de saison : raisins, pommes, poires, oranges, clémentines etc.
- Les fruits d’extrême-Orient qui évoquent l’origine des rois mages et les dattes qui symbolisent le Christ.
- Le nougat blanc et le nougat noir qui symbolisent le pénitent blanc et le pénitent noir.
Il est également possible de retrouver des spécialités typiquement provençales telles que des calissons d’Aix ou encore des fruits confits.
Que boit-on avec les 13 desserts ?
Traditionnellement, les 13 desserts ont longtemps été consommés avec du vin cuit. Il est d’ailleurs de coutume de terminer le repas en sauçant le vin cuit présent dans l’assiette avec un morceau de pompe à l’huile. Aujourd’hui, le vin cuit est de moins en moins consommé le soir du 24 décembre et remplacé par une coupe de champagne.