Avez-vous déjà entendu parler de l’affaire des empoisonneuses de Marseille ? C’est une affaire criminelle assez célèbre qui a eu lieu en 1868 dans le quartier du Panier à Marseille. Nous vous racontons l’histoire de ce fait divers qui a défrayé la chronique marseillaise de l’époque.
Qui sont les empoisonneuses Marseillaises ?
Les empoisonneuses Marseillaises, ce sont trois femmes accusées d’avoir assassiné leurs maris respectifs. Pour cela, elles auraient utilisé un poison à base de feuilles de belladone et de poudre d’arsenic. Parmi les accusées nous retrouvons :
- Marie Autran, veuve d’Antoine Ville. C’est une marchande de faïences de la place des Augustines âgée de 45 ans. Marie Autran aurait eu beaucoup de mal à venir à bout de son mari. Dans l’ouvrage Les empoisonneuses de Marseille et Montauban, curieux détails des cours d’Assise conservé à la Bibliothèque Nationale de France, il est écrit ceci à propos d’Antoine Ville : « Son mari était un brave homme âgé de 53 ans. Il est mort après une longue maladie de six mois au domicile rue Beauregard 19 qui était sa maison d’habitation. On rapporte que sa femme annonçait à tout venant durant tout le cours de sa maladie que son pauvre mari ne passerait pas la nuit. »
- Rosine Salvago, veuve de Jean Salvago est âgée de 32 ans. C’est une femme de ménage au service de l’un des concierges de la mairie. Selon ses dires au moment du procès, son mari, paresseux ne participait pas aux revenus du foyer et la battait régulièrement et c’est la raison pour laquelle elle aurait accepté la proposition de Fanny Lambert de lui fournir un poison pour le tuer. Son mari, âgé de 53 ans est mort des suites d’une courte maladie.
- Joséphine Duguet, veuve de Louis-Joseph Gabriel est âgée de 20 ans. Elle est décrite comme une très jolie femme qui épouse un membre d’une famille honorable de Marseille. Très vite, Joséphine subit des remontrances de la part de son mari à cause de ses goûts de luxe exagérés. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle aurait décidé de l’éliminer. De toutes les accusées, Joséphine Duguet semble être celle qui aurait éprouvé le moins de remords. Elle pensait s’en tirer avec une courte peine en prouvant que son mari la battait.
Les deux complices de l’affaire
Pour mener à bien leur projet, les trois Marseillaises reçoivent l’aide d’une tireuse de carte : Fanny Lambert. Âgée de 35 ans, Fanny Lambert est une femme attirée par la sorcellerie. Elle cache sa profession de tireuse de carte derrière une profession de tailleuse. L’enquête aurait permis de révéler qu’avec ces empoisonnements, Fanny Lambert n’en était pas à son coup d’essai. C’est elle qui a mis en contact les trois empoisonneuses avec son herboriste Jean-François Joyce. Celui-ci possédait une boutique rue du Panier. C’est lui qui a fourni le poison.
Le déroulement de l’enquête
C’est suite à la déposition de Barthélémy Marino le 28 août 1868 que la police arrête les trois femmes. Barthélémy Marino remet aux policiers un échantillon du poison qui a servi a tué les trois hommes. Il assure que Marie Autran, Rosine Salvago et Joséphine Duguet ont assassiné leur mari avec la complicité de Fanny Lambert et Jean-François Joye. Bien entendu les policiers demandent à Marino comment il avait pris connaissance de ces faits.
Celui-ci avait mené sa petite enquête usant de mensonges plutôt convaincants pour parvenir à extirper les aveux d’une des accusées. Il s’agit de Marie Autran qui était sa maîtresse depuis deux ans !
L’enquête débute le 20 août 1868. Fanny Lambert se rend sur le cours Saint-Louis où se trouvent les échoppes des bouquetières Marseillaises. Elle est à la recherche de Miette Marino, la femme de Barthélémy Marino qui est bouquetière. Ne la trouvant pas, Fanny Lambert s’adresse à Angélique Jourdan qui tient le pavillon de fleurs juste à côté de celui de Miette. Elle lui demande alors de prévenir Miette que la maîtresse de son mari veut l’empoisonner. La tireuse de carte, vraisemblablement prise de pitié en apprenant que Marie Autran comptait empoissonner la bouquetière aurait décidé de la prévenir.
Lorsqu’elle apprend la nouvelle, Miette Marino, bouleversée décide d’avertir son mari. Barthélémy Marino commence son enquête en se rendant chez sa maîtresse. Marie Autran est récemment devenue veuve et Barthélémy Marino le sait mais elle nie toutes les accusations de son amant. Elle affirme cependant qu’elle connaît Jean-François Joyce car elle est en relation avec lui pour une affaire d’achat de buvette. Barthélémy Marino décide alors de rendre visite à l’herboriste. Il dit à Jean-François Joye qu’il est l’amant de Marie Autran et affirme qu’il sait que son défunt mari Antoine Ville a été empoisonné. Il raconte alors au sorcier qu’il souhaite à son tour se débarrasser de sa propre femme pour pouvoir vivre en paix avec Marie Autran.
Jean-François Joye passe alors aux aveux. Il dit à Marino que c’est Fanny Lambert qui aurait d’abord tenté d’empoisonner Antoine Ville mais que, n’y parvenant pas, elle serait venue le trouver pour qu’il lui fournisse un poison qui l’achèvera. A la suite de cela, l’herboriste promet à Marino de l’aider à tuer sa femme et lui propose de venir livrer le poison chez Marie Autran. Barthélémy Marino retourne alors chez sa maîtresse en lui indiquant qu’il s’est rendu chez l’herboriste et qu’il lui ordonne de lui dire la vérité tout en continuant de faire croire qu’il souhaite lui aussi empoisonner sa femme pour aller vivre avec elle. Marie Autran passe alors aux aveux. Elle reconnaît ses intentions meurtrières et lui avoue aussi qu’après avoir empoisonné sa femme elle l’aurait tué lui aussi s’il avait refusé de rester en couple avec elle.
Voulant obtenir le plus de preuves possibles, Barthélémy Marino tente d’amadouer Marie Autran. Il lui dit qu’il craint que quelqu’un découvre son potentiel crime sur sa femme. Marie Autran, voulant le rassurer, lui cite alors deux autres cas d’empoisonnement, celui de Rosine Salvago et de Joséphine Duguet, non découverts ! Lorsque l’herboriste vient lui livrer le poison, Barthélémy Marino le récupère et se rend directement au commissariat pour faire sa déposition. Le même jour, la police marseillaise procède à l’arrestation des trois veuves, de Fanny Lambert et de Jean-François Joye.
Le procès des empoisonneuses
Le procès des trois femmes et de leurs deux complices débute le 4 décembre 1868 au Palais de Justice d’Aix-en-Provence. Deux des accusés sont représentés par deux avocats dont le nom est bien connu des Marseillais : Félix Baret (le futur maire de Marseille) et Gaston Crémieux (l’un des acteurs majeurs de la commune de Marseille). Félix Baret représente l’herboriste Jean-François Joye. Gaston Crémieux est l’avocat de Marie Autran.
Jean-François Joye, Fanny Lambert, Marie Autran, et Joséphine Duguet sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Rosine Salvago est condamnée à 20 ans de travaux forcés. L’histoire de ces empoisonneuses a beaucoup fait parler dans la région Marseillaise. Le jour du procès, la foule est impressionnante devant le Palais de Justice. Tous attendent avec impatience le passage des accusés. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette affaire, vous pouvez consulter le compte rendu de justice d’époque consultable sur la Bibliothèque Nationale de France.