À Marseille, on aime la cagole. Qu’elle soit jeune ou vieille, elle a su s’imposer si fort dans le paysage local qu’elle y figure aux côtés de la bouillabaisse, des calanques et même du Pastis. Tiens, elle a même donné son nom à une bière locale ! Passée d’une femme vulgaire à une figure emblématique du patrimoine provençal, la cagole embarque avec elle accessoires et attitudes dont nous vous livrons ici quelques échantillons qui vous permettront si vous le souhaitez de devenir vous aussi une vraie cagole !
Les Créoles
Pour commencer il faut une base solide et commune. Pour se faire remarquer, la cagole a – c’est une évidence – de nombreux bijoux qu’elle arbore en fonction de la tenue et l’humeur du jour. Mais il en est un qui est plus qu’un ornement, un signe de reconnaissance. L’équivalent du poisson chrétien sous l’empire romain : les créoles. C’est la boucle d’oreille parfaite, à la fois passe-partout mais suffisamment grande pour être bien visible même à travers des cheveux longs.
Le Legging
Parmi tous les accessoires vestimentaires que peut arborer la cagole, le plus emblématique se trouve être le legging. Attention, je ne dis pas que que toute porteuse de legging est une cagole, mais toute cagole qui se respecte se doit d’en posséder une panoplie conséquente. La cagole assume ses formes et a trouvé le pantalon parfait pour ça. À noter que la cagole provençale parlera plutôt de « leggingZ », voire de « leggin’S ». De même que le « crop top » devient généralement « croque-top ». Rien à voir avec le croque-monsieur, quand bien même la cagole en question serait une croqueuse d’homme.
Le langage
C’est connu : la cagole parle fort. Non seulement parce qu’elle veut se faire remarquer mais aussi pour envoyer un signal : elle ne se laissera pas marcher sur les pieds (surtout au prix où elle a payé ses TN arc-en-ciel). Elle utilise un jargon spécifique à son lieu d’appartenance et cela peut être assez précis. Concernant le concert de Céline au Stade Vélodrome, la cagole Marseillaise dira que « C’était trop méchant !» alors que la cagole Aixoise dira plutôt « C’était trop sbob ». Subtil mais suffisant pour une géolocalisation efficace.
La maîtrise de l’affrication est aussi un outil important dans la besace de la cagole. Pour aller vite, il s’agit de remplacer les « T » par « tch » et les « D » par « dj ». Essayons de transcrire une phrase simple : « Mehdi est un homme excentrique habitant sur la commune de Martigues ». Cela nous donne « Mehdji, c’est un sbotch de Martchigues ». Percutant. Au passage on aura appris la signification de « sbotch ». Allez, pour l’exercice, je vous en donne une autre : « Quel dommage de rester au quartier un dimanche, allons plutôt à la plage, à Bandol ou à la Ciotat, en passant par la Valentine pour acheter des Stan Smith ». Je vous laisse proposer votre traduction en commentaire. Attention, il y a des pièges et plusieurs réponses possibles.
Le maquillage
Il y a une infinité de maquillages possibles pour une cagole mais il existe une règle et une seule : il en faut.
Pas question de la jouer « naturelle » ou « fraîcheur du réveil » ou un autre truc de bobo dans le style, la cagole doit plaire quitte à déplaire, entre la sonnerie du réveil et l’extinction des feux. Cette règle s’applique au maquillage mais aussi au parfum car pour bien attirer l’attention, il vaut mieux solliciter un maximum de sens pour mettre toutes les chances de son côté. Ainsi, la visite d’un magasin tel que Sephora vous permettra en un rien de temps de rencontrer de nombreux specimens.
Le sac à main
On ne peut faire une sociologie sérieuse de la cagole sans évoquer le sac à main. Rose, brillant, à paillettes, de luxe, la cagole les collectionne et varie selon les saisons mais ne s’en sépare jamais. Il est un moyen de communication à part entière et raconte tout de ses humeurs selon sa forme, sa couleur, la façon dont il est porté. Il va sans dire que la sangle sur l’épaule dit autre chose que les anses au creux du coude. Seulement la teneur exacte du message est un mystère soluble uniquement par une homologue.
Le sac à main est également important par son contenu. Il renferme de nombreux trésors mystérieux pour le commun des mortels parmi lesquels on peut parfois entrapercevoir un paquet de mouchoirs, un Labello, une culotte de rechange, des pansements, une plaquette de contraceptifs, une gourde, des bonbons à la menthe, un chargeur et surtout…
Le téléphone
Depuis l’arrivée du téléphone portable, la cagole est absolument indissociable de cet appareil. C’est presque comme si il avait été créé pour elle. Un prolongement bionique parfait. Vous l’entendrez souvent dire : « mon téléphone, c’est ma vie » ou la variante « j’ai ma vie dedans ». (Et non, elle ne dit pas « tCHéléphone »). Celui-ci arbore souvent une coque rose et une photo de son copain ou de ses enfants en fond d’écran, si elle en a. Elle a vraiment sa vie dedans. S’il n’est pas dans son sac, il est accroché à un cordon autour de son cou ou bien directement dans la main, dégainé en permanence. Il est le portail qui lui permet de documenter tous les moments importants de sa journée et de sa vie dans des stories Insta mais aussi et surtout de surveiller ce que font les autres, ses copines, ses ennemies, sa famille, son crush et d’en débriefer avec eux. Bref, montre moi ton téléphone et je te dirais quelle cagole tu es.
À ce stade, vous vous êtes sûrement reconnu(e) dans plusieurs de ces points. Et encore, j’aurais pu continuer sur les tatouages, la voiture, la playlist, etc. Mais pas de panique, c’est tout à fait normal. Si l’on ne voit pas la cagolitude comme une catégorie mais plutôt comme un spectre où l’on peut se placer, on doit reconnaître que l’on a tous un petit côté cagole, il suffit de l’accepter pour être en paix.