Vous l’aurez compris, notre dernier article au sujet des tribunes du stade Vélodrome sera consacré à Jean Bouin, l’homme qui donne son nom à la tribune ouest du stade Vélodrome. Le stade Vélodrome n’est pas le seul établissement sportif à avoir honoré Jean Bouin. Pourtant, si son nom ne semble pas avoir été effacé de la mémoire collective, son visage et son histoire en revanche sont un peu tombés dans l’oubli. Après Gustave Ganay la semaine dernière, le Tarpin Bien vous propose aujourd’hui de découvrir l’histoire d’un autre sportif de haut niveau.
Les débuts de Jean Bouin en tant qu’athlète
Jean Bouin est né à Marseille en 1888. C’est un fils de courtier. Né rue Coutellerie, dans le quartier du Panier, il déménage ensuite avec sa famille au 111 rue Consolat. Il effectue le début de sa scolarité à l’école des Chartreux, dans le quartier des 5 avenues où il aura d’ailleurs comme professeur Joseph Pagnol, le père de l’écrivain Marcel Pagnol.
Adolescent, Jean Bouin pratique plusieurs sports de façon intensive tels que l’escrime ou encore la gymnastique. En octobre 1893, Jean Bouin se rend au parc Borély pour assister à l’entraînement de plusieurs coureurs de marathon. Il y rencontre l’athlète Louis Pautex, très connu dans la région. À la suite de cette rencontre, Jean Bouin commence la pratique de l’athlétisme. Il crée alors un petit club d’athlétisme, le club athlétique de l’école d’Industrie.
En février 1904, Jean Bouin remporte la première course à laquelle il participe : un cross-country de 10 000 mètres. Il quitte alors son petit club pour entrer au Phocée club de Marseille. Avec son nouveau club, il remporte un second cross en mars de la même année. Sur la saison 1904, il remporte 14 des 17 courses auxquelles il a participé. En 1905, il participe à sa première course en dehors de Marseille : le challenge Aycaguer, un cross de 11 kilomètres qui se déroule à Lyon. Il termine 9e. Convaincu par son beau-père, il participe à une course à Gênes en Italie qu’il remporte. En septembre de la même année, il remporte le Critérium de Provence.
La consécration aux Jeux Olympiques
Entre 1909 et 1911, Jean Bouin remporte plusieurs titres en cross-country que ce soit en France ou à l’étranger. Il sera champion de Paris, champion de France et finira par remporter le titre de champion du monde lors du cross des Cinq Nations. La carrière de Jean Bouin décolle réellement.
Jean Bouin est alors soumis à un entraînement intensif et remporte de nombreuses victoires devant un public toujours plus nombreux à le supporter à chaque course. En novembre 1911, il réalise à Colombes le premier record du monde de 10 000 mètres. En juillet 1912, il participe aux Jeux Olympiques de Stockholm et remporte une médaille d’argent sur une course de 5000 mètres.
Fin de carrière prématurée
La carrière de Jean Bouin est lancée et se dresse face à lui un avenir plus que prometteur dans le monde du sport. Pourtant un événement majeur viendra tout chambouler. Nous sommes en 1914 et comme tous les autres jeunes hommes de France à cette époque, Jean Bouin est mobilisé pour servir dans l’armée française. Jean Bouin intègre le 163e régiment d’infanterie en tant qu’agent de liaison près de Raon-l’Etape dans les Vosges. Un agent de liaison était un militaire chargé de transmettre à l’armée des ordres et des informations en particulier dans les moments où l’usage du téléphone était impossible.
Le 29 septembre 1914, Jean Bouin et les autres soldats de son régiment se lancent à la conquête du “Mont Sec” à Xivray, une commune située non loin de la frontière franco-allemande. Jean Bouin meurt le jour même touché par des tirs. Les circonstances de son décès n’ont jamais réellement été fixées. L’explication la plus vraisemblable voudrait qu’il ait été victime d’une erreur de tir de l’artillerie française. D’autres sources s’accordent à dire que Jean Bouin serait mort en chargeant l’ennemi et en criant “Vive la France”. L’erreur n’aurait pas été avouée à l’époque afin d’ajouter un peu d’héroïsme à la mort du jeune athlète. Jean Bouin avait 25 ans. Il est enterré au château de Bucconvile-sur-Madt dans la Meuse alors que les Allemands font feu. Quelques jours plus tard, le château est entièrement brûlé. Le corps de l’athlète sera rapatrié à la fin du conflit, le 27 juin 1922 et inhumé dans sa ville natale, au sein du cimetière de Saint-Pierre.
Jean Bouin fait partie des nombreux sportifs de haut niveau à la carrière prometteuse qui ont perdu la vie dans les conflits de la Première Guerre Mondiale tout comme l’aviateur français Roland Garros qui perdit la vie dans un combat aérien en octobre 1918, Anthony Wilding, un joueur de tennis néo-zélandais tué au front en 1915 ou encore Lucien Petit-Breton vainqueur du Tour de France en 1907 et 1908 décédé en novembre 1917 des suites d’un accident de la circulation sur le front. Le jeune cycliste interviewé peu de temps avant sa mort par le journal La Vie Au Grand Air avait d’ailleurs déclaré pour parler des cyclistes “Hélas ! À la reprise des vélodromes, combien d’entre nous auront disparu qui étaient la gloire de notre sport ? »
Il est vrai que la Première Guerre Mondiale cause une véritable hécatombe parmi les sportifs de haut niveau toutes disciplines confondues. Au total, plus de 400 sportifs ont perdu la vie sur le sol français jusqu’au 11 novembre 1918.
Les hommages rendus à Jean Bouin
Il faut savoir qu’au moment où Jean Bouin s’est effondré sur le champ de bataille, il était devenu une véritable star dans l’hexagone. C’était un sportif confirmé qui ne cessait de battre des records. En effet, avant les années 1920, les sports collectifs ne sont pas encore très répandus. Les véritables “stars du sport” en France sont des athlètes, des cyclistes ou encore des pilotes automobiles. À l’époque comme aujourd’hui, Jean Bouin est réputé pour être l’un des premiers grands athlètes français de l’histoire.
Nous pouvons donc comprendre que son décès touche l’ensemble de la France et entraîne le début d’un véritable mythe. Le stade Vélodrome est bien loin d’être le seul lieu public à avoir rendu un hommage à Jean Bouin. Dès 1916, le CASG (Club Athlétique des Sports Généraux), rebaptise une enceinte sportive parisienne du nom de l’athlète avant de faire construire un nouveau stade éponyme en 1925. Dès lors, de nombreux clubs, stades et piscines, collèges ou lycées prennent le nom de Jean Bouin comme au Vélodrome.
En 1960, au moment des Jeux olympiques d’été qui se déroulent à Rome, un timbre est édité à son effigie. En 1964, une statue est érigée en son honneur en Lorraine, à Bouconville non loin de l’endroit où il est décédé.
Ici touche à sa fin notre série d’articles au sujet des hommes honnorés par les tribunes du stade Vélodrome. Vous avez manqué nos précédents articles à ce sujet ? Retrouvez-les juste ici !