La rafle de Marseille

Histoire La rafle de Marseille

Nous commémorons aujourd’hui l’anniversaire d’un des évènements les plus tragiques de l’histoire de Marseille : la rafle de Marseille qui a eu lieu du 22 au 24 janvier 1943. Entre ces deux dates, 6000 personnes ont été raflées par les autorités dans le quartier du Vieux-Port à Marseille. La rafle de Marseille est la plus importante après celle du Vel’d’Hiv à Paris. Le Tarpin Bien revient aujourd’hui sur cet événement tragique. 

Le contexte historique de la rafle de Marseille

Nous sommes à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale. Les Allemands ont envahi la zone encore libre de la France (les régions les plus au sud). Marseille est occupée par les Allemands depuis le 12 novembre 1942. La colère grandit parmi les habitants de la ville et finit par se solder par différents attentats perpétrés en janvier 1943 à l’encontre des forces allemandes. L’un d’eux, réalisé le 3 janvier 1943, tue plusieurs officiers et des soldats allemands. À la suite de ces différents attentats, des sanctions sont décidées par l’autorité allemande et confirmées par Heinrich Himmler, l’un des plus hauts dignitaires du Troisième Reich. Parmi ses directives on retrouve l’arrestation des « criminels de Marseille », leur déportation et la destruction du « quartier criminel » à savoir le quartier situé derrière la rive nord du Vieux-Port, l’actuel Panier autrefois appelé le quartier Saint-Jean.

En réalité, cette volonté de réprimer les actions de la Résistance est un prétexte. Marseille a mauvaise réputation pour les Allemands. La ville, notamment ses vieux quartiers est réputée pour être un repaire de voyous et de bandits. Les Allemands craignent le quartier du Panier. Surnommé “la verrue de l’Europe”, le quartier abrite à l’époque de nombreux résistants ainsi que des juifs et symbolise le crime, la saleté et le cosmopolitisme. Ils décident donc de l’entière destruction du quartier afin de donner l’exemple. C’est également un quartier populaire et insalubre que beaucoup aimeraient voire disparaître pour le reconstruire de façon plus moderne.

L’opération Sultan 

“Opération Sultan”, c’est le nom qui sera donné à cet évènement. Cette rafle a été réalisée grâce à la collaboration des autorités et de la police française. Côté français, l’opération est dirigée par René Bousquet, le secrétaire général de la police du régime de Vichy, Antoine Lemoine, préfet régional de Marseille et Maurice de Rodellec du Porzic, intendant de police de Marseille. Chez les allemands, quatre hommes encadrent les opérations : Carl Oberg, chef supérieur de la SS et de la police pour la France, Bernhard Griese, SS et policier régulier allemand, Rolf Mühler, chef du commandement de la police de sécurité et de sûreté et Hans-Gustav Felber, militaire allemand. 

Les différents dirigeants de l’Opération Sultan. Crédit photo : Vennemann, Wolfgang, German Federal Archives.

Les Allemands ont fait descendre 200 inspecteurs de police venus de Paris et d’autres communes françaises, 15 compagnies de GMR (une unité paramilitaire qui a été créée par le gouvernement de Vichy) et plusieurs escadrons de gendarmerie et de garde mobile. Selon l’historien Jacques Delarue, au moment des faits “douze mille policiers environ se trouvaient concentrés à Marseille”. 

Le 22 janvier 1943, les autorités bouclent tout le quartier du Vieux-Port. Le 23 janvier 1943, SS et policiers français débutent à l’aube. La ville sera fouillée maison par maison. Tous les habitants sont évacués et près de 40 000 personnes sont contrôlées. La rafle ne se limite pas seulement à la rive-nord du Vieux-Port. Les autorités se rendent également de l’autre côté du port, dans le quartier de l’Opéra où vivent de nombreux juifs en raison de la proximité de ce quartier avec la synagogue qui se trouve rue Breteuil et dans différents quartiers du centre-ville : Canebière, Colbert, Belsunce, Noailles, Longchamp, la Belle de Mai. L’opération dure jusqu’au lendemain. Au total, 6 000 personnes ont été arrêtées.

Crédit Photo : Vennemann Wolfgang, German Federal Archives.

Les habitants ont été sortis de leur domicile avec une grande brutalité. Ils ont été priés de quitter leur domicile dans la tenue où ils se trouvaient au moment où les policiers ont franchi la porte. Ils n’ont pu emporter aucun effet personnel. Les familles ont été séparées dès le moment de l’arrestation : Les femmes et les enfants d’un côté et les hommes de l’autre ne se sont jamais retrouvés. 

Les Marseillais ayant été arrêtés sont conduits à la gare d’Arenc où ils seront entassés dans des trains. D’après les chiffres du Mémorial de la Shoah, 1642 habitants seront déportés. 800 Juifs ont été envoyés au centre de mise à mort de Sobibór en Pologne. Environ 700 autres personnes sont envoyées à Orianebourg-Sachsenhaussen, un camp de concentration situé à 30 km de Berlin. Parmi ces personnes figuraient 200 Juifs et environ 600 “suspects” : des résistants, des tziganes, des vagabonds sans adresse ou papiers d’identité ou encore des homosexuels.

Les déportés en gare d’Arenc. Crédit photo : Vennemann, Wolfgang, German Federal Archives.

Concernant les habitants expulsés de leurs logements qui n’étaient ni Juifs ni considérés comme suspects, près de 12 000 personnes ont été envoyées dans un camp militaire à Fréjus. D’autres ont été réquisitionnées pour le STO ( un service de travail forcé instauré par l’Allemagne nazie) et envoyées en Allemagne. 

La destruction du quartier du Vieux-Port

Après avoir expulsé tous les habitants de la rive nord du Vieux-Port, les autorités ne s’arrêtent pas en si bon chemin et décident de la destruction de tout le quartier. Les Allemands veulent tout simplement rayer le quartier de la carte et reçoivent l’approbation du régime de Vichy. Début février, après avoir été pillés, 1500 bâtiments sont détruits par les artificiers allemands. Il faudra 9 jours et des centaines d’explosions pour tout détruire. Cette destruction laisse un vide de 14 hectares.

La destruction du Panier, Vennemann, Wolfgang, German Federal Archives.

Dans ce quartier, seuls quelques bâtiments ont été préservés des bombes : L’Hôtel de Ville, les bâtiments de la Douane et de la consigne sanitaire, la Maison Diamantée et l’Hôtel de Cabre.

Avec la destruction du quartier du Panier, l’Allemagne nazie souhaite donner un exemple : détruire le Panier porte atteinte à l’identité de la ville de Marseille qui est une ville populaire et résistante. C’est un signe qu’aucun laisser-passer ne sera donné à ceux qui cherchent à sortir du rang. Les trois gares de la ville : la gare Saint-Charles, de la Blancarde et du Prado seront également bombardées afin de désorganiser les communications de Marseille.

La détention des habitants du quartier au camp de Fréjus dure environ deux semaines. Lorsque les Marseillais reviennent, ils découvrent un quartier entièrement détruit. Ils ne trouveront ni leur logement, ni leurs effets personnels. Certains qui travaillaient dans le quartier perdent même leur emploi. Ils devront alors compter sur la solidarité des Marseillais pour trouver de quoi se loger. 

Et après ? 

Après avoir effectué cette rafle massive, les autorités ont continué de rafler et de déporter les juifs Marseillais. Des contrôles étaient effectués dans la ville à divers endroits : dans les transports en commun, à la gare Saint-Charles, dans les cafés, les cinémas etc.

Le quartier Saint-Jean ne sera reconstruit qu’en 1955 sur les plans de l’architecte Fernand Pouillon. Certains Marseillais qui ont perdu leur logement dans les destructions du Vieux-Port ont pu être indemnisés après la guerre.

Au moment de la Libération, Maurice de Rodellec du Porzic ( l’intendant de police de Marseille) est arrêté pour avoir participé aux rafles et à la destruction du Vieux-Port. Il sera toutefois libéré en décembre 1945 et réintégré dans la Marine en tant qu’officier en 1946. Au final, peu de sanctions ont été conduites à l’égard des personnes ayant participé à cette rafle. D’ailleurs, la rafle de Marseille demeure un pan méconnu de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Elle est bien moins célèbre que la rafle du Vel’d’Hiv à tel point que beaucoup de francais ignorent ce qu’il s’est réellement passé à Marseille en 1943

En 2019, au nom de 4 survivants de la rafle du Vieux-Port, Pascal Luongo, avocat au barreau de Marseille, dépose plainte contre X pour crimes contre l’humanité. Le parquet de Paris à ouvert une enquête. Avec cette plainte, les victimes de l’opération Sultan espèrent obtenir un peu de reconnaissance de l’État français pour les évènements qui se sont déroulés mais aussi la condamnation de personnes encore en vie qui ont participé à la rafle de Marseille. Depuis juin 2019, le parquet de Paris est à la recherche d’éventuels responsables de la rafle encore en vie.

Le 8 octobre 2021, le procès d’un gardien du camp de concentration de Orianebourg-Sachsenhaussen s’est ouvert en Allemagne. Joseph Schütz, 101 ans est accusé de complicité dans l’assassinat de 3500 personnes. Parmi les parties civiles se trouvent la fille et le petit-fils de Francesco Commentale, raflé à Marseille, qui est mort dans ce camp dans des circonstances inconnues.

Auteur de l'article :
Emma Antosik
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