Les secrets des fenêtres murées de l’Hôtel de Ville

DécouverteHistoire Les secrets des fenêtres murées de l’Hôtel de Ville

L’hôtel de Ville de Marseille, avec son architecture inspirée du mouvement baroque génois, est un des vestiges de l’histoire de la ville puisque sa construction date des années 1600. Il est l’un des seuls bâtiments du quartier à avoir survécu aux bombardements allemands en 1943 et détonne grandement aujourd’hui avec les bâtiments tout autour qui ont été construits dans une architecture beaucoup plus moderne après la guerre. 

En plus de son histoire assez connue, ce bâtiment comporte une particularité assez cocasse. Aviez-vous déjà remarqué en vous promenant le long du pavillon Pierre Puget que certaines fenêtres sont entièrement murées ? Cela ne résulte pas d’une faute de goût des architectes puisque au départ ces fenêtres existaient réellement. Il y a une explication beaucoup plus logique que nous allons vous présenter dans cet article !

L’instauration d’une nouvelle taxe

Nous sommes en 1795 et à l’époque, la France est sous le régime de la Première République Française. Celle-ci s’exerce sous la forme d’un directoire. Le directoire est un régime politique en vigueur entre le 26 octobre 1795 et le 9 novembre 1799. Il est dirigé par cinq directeurs, qui sont donc les chefs du gouvernement et qui se partagent la gestion du pouvoir exécutif et des différents ministres. Ceci est fait pour éviter de basculer dans un régime tyrannique. Pierre Barras, Louis-Marie de la Révellière-Lépeaux, Jean-François Reubell, Lazare Carnot et Étienne-François-Louis-Honoré le Tourneur sont les cinq premiers directeurs du régime. 

Les cinq directeurs souhaitent instaurer en France une nouvelle taxe foncière sur les classes sociales les plus nobles mais ils ne savaient pas comment s’y prendre pour calculer les superficies et définir les montants à payer.  Ils s’inspirent alors de la Window Tax anglaise. La Window Tax est un impôt sur les fenêtres. Les directeurs français instaurent alors en France un impôt basé sur les fenêtres mais aussi les portes ! Les propriétaires devant s’acquitter de cet impôt ne sont pas taxés sur la superficie de leurs bien mais sur le nombre de fenêtres et de portes du logement qui donnent sur la voie publique, les jardins ou les cours intérieures. L’impôt ne concernait que les propriétaires et était proportionnel, c’est-à-dire que plus un propriétaire était riche, plus le montant de son impôt était élevé. Cette taxe est mise en place en France le 24 novembre 1798.

La vague des fenêtres murées 

Le résultat de l’arrivée de cette nouvelle taxe sur les immeubles ? Des fenêtres aussitôt murées ! On en trouvait partout : sur les châteaux à la campagne, sur les grands immeubles haussmanniens des beaux quartiers de Paris et même sur les façades de l’Hôtel de Ville à Marseille. Par souci d’économie, pour s’assurer de payer un impôt moins cher, les propriétaires de la France entière faisaient murer une ou deux fenêtres de leur façade ! Parfois, certains propriétaires remplaçaient leurs ouvertures par des fausses fenêtres avec des dessins en trompe l’œil, ce qui rendait l’ensemble un peu plus joli que de simples fenêtres en béton.

La suppression de l’impôt sur les portes et fenêtres 

En entendant cela, on pourrait croire à une histoire lointaine, pourtant il n’en est rien. L’impôt sur les portes et fenêtres a subsisté en France pendant plus d’un siècle, jusqu’à la Première Guerre Mondiale.

Cet impôt est finalement supprimé en 1926 et remplacé par l’impôt sur le revenu après que les hygiénistes aient fait pression en faveur de sa suppression.

En effet, ils sont nombreux à alerter sur les dangers de cet impôt sur la santé des occupants des logements. Cet impôt a été accusé d’encourager la construction de logements insalubres avec de très petites ouvertures. Les logements sont sombres et mal aérés ce qui provoque la prolifération des maladies et des bactéries. Quand on voit la façade de l’Hôtel de Ville de Marseille, on veut bien le croire ! Sur les 6 fenêtres initialement installées, seulement l’une d’entre elle (parmi les plus petites) n’a pas été murée. Même constat pour les portes ! Cette façade de la mairie semblait en contenir trois au départ : il n’en reste qu’une aujourd’hui ! 

Dans son ouvrage Les Misérables, Victor Hugo écrit les mots suivants au sujet de cet impôt : « Mes très chers frères, mes bons amis, il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n’ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et une fenêtre, et enfin trois cent quarante-six mille cabanes qui n’ont qu’une ouverture, la porte. Et cela, à cause d’une chose qu’on appelle l’impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants, dans ces logis-là, et voyez les fièvres et les maladies. Hélas ! Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend. »

Jusqu’à nos jours, aucun maire de Marseille n’a pris la décision de rouvrir ces fenêtres qui avaient été murées à l’époque afin de faire des économies !

Auteur de l'article :
Emma Antosik
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2 Commentaires

  1. GENOT MARYLIN

    Impôt français sur les portes et fenêtres
    Il a été mis en place en France par le Directoire, pendant la Révolution, le 4 frimaire an VII (24 novembre 1798).

    Cet impôt fait partie des « quatre vieilles » contributions directes, avec la contribution foncière, la mobilière, et la contribution des patentes, toutes trois établies par l’Assemblée constituante de 1789. Son assiette était établie sur le nombre et la taille des portes et fenêtres qui donnaient sur la voie publique, sur les cours et sur les jardins des habitations et des usines, ainsi que sur les champs et les prés. Il ne touchait ainsi que les propriétaires, et introduisait une sorte de proportionnalité, les plus aisés payant également plus d’impôts.

    Il ne touchait pas les ouvertures des bâtiments à vocation agricole, ni les ouvertures destinées à aérer les caves (soupiraux) ou pratiquées dans les toits (lucarnes, vasistas). Les bâtiments publics n’étaient pas imposés non plus.

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  2. Tapias

    A corriger dans le texte , les immeubles n’ont pas été bombardés mais plutôt dynamités par l’armée allemande…

    Réponse

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