La digue du large : éternel témoin du passé industriel de Marseille

Découverte La digue du large : éternel témoin du passé industriel de Marseille

La digue du large a été construite en 1844 au moment de la création du Port Autonome de Marseille. C’est aujourd’hui le témoin du passé industriel de la ville. Nous vous proposons de revenir sur son histoire et sur les principaux aménagements de la digue.

La construction de la digue du large

L’histoire de la digue du large est intimement liée au passé commercial et industriel de Marseille. Pendant plus de deux millénaires, c’est le Vieux-Port qui est utilisé pour répondre aux besoins militaires et commerciaux de la ville. Mais au début du XIXe siècle, avec l’accroissement de l’activité industrielle de la ville, la création d’une extension devient urgente. Avec l’arrivée des premiers navires à vapeur aux proportions gigantesques et l’accroissement de l’activité commerciale de la ville, le Vieux-Port se trouve très vite bien encombré. Il n’y a plus suffisamment de place pour accueillir les navires et stocker les marchandises.

C’est pourquoi le 5 août 1844, le gouvernement ordonne la construction du bassin de la Joliette. Il est construit en prolongation du port existant. L’ingénieur en chef Charles-François de Montluisant et son second Louis Toussaint sont chargés de la construction. Or, ce projet audacieux inquiète les ingénieurs. En effet, contrairement au Vieux-Port, le futur bassin de la Joliette se trouve particulièrement exposé aux vents violents. Il était impératif de trouver un moyen de protéger les futures infrastructures du port du vent et d’une mer souvent agitée.

Voilà pourquoi la digue du large a été construite. Elle représente à elle seule une prouesse architecturale. Pour la réaliser, les ingénieurs marseillais se sont inspirés des travaux réalisés pour consolider le port d’Alger. Les Algériens sont les premiers à imaginer la construction d’une digue en utilisant des blocs de béton de plus de 10 tonnes empilés les uns sur les autres.

Les ingénieurs Marseillais réalisent la digue du large en s’inspirant de ce procédé. La digue est un ouvrage monumental dont la majeure partie est immergée. En effet, la construction est très profonde et atteint 12 voire 20 mètres de profondeur à certains endroits. Le noyau de la digue est imaginé sur le principe de la digue de Cherbourg : avec un empilement de roches naturelles à laquelle on est venu ajouter sur le côté extérieur les fameux blocs de béton utilisés à Alger. Ceux-ci s’empilent jusqu’à la surface de la mer pour consolider l’ensemble et bloquer les vagues. Une promenade d’environ 3 mètres de largeur est aménagée et permet d’aller d’un bout à l’autre du port. En contrebas de la promenade piétonne, sur le côté interne de la digue, une route a été construite. Cela fait pratiquement deux siècles que la digue du large est en place et en l’état ce qui témoigne de l’ingéniosité du procédé adopté !

Le phare de Sainte-Marie

En 1855, la pointe Sud de la digue du large est prolongée de quelques mètres vers le Vieux-Port par la digue Sainte-Marie. Ceci dans l’objectif d’accueillir le phare de Sainte-Marie qui signale l’entrée du port de la Joliette aux navires arrivants dans Marseille. Aussi appelé « phare de la Joliette », le phare de Sainte-Marie est une tourelle construite en pierre calcaire et mesurant 21 mètres. Le feu est désormais éteint et remplacé par un feu rouge situé au pied du phare.

Entrée sud de la digue du large.

Les « Élégantes » de la digue du large, vestige du passé industriel de la ville

Le port continuera à s’étendre tout au long du XXe siècle. Le 10 juin 1854, une loi ordonne la construction du bassin du Lazaret. En novembre 1856, débute la construction du bassin d’Arenc. Enfin, la construction du bassin Napoléon a lieu en 1859. À chaque fois, la digue est prolongée vers le nord de Marseille et réalisée selon le même schéma. Elle finira par s’étendre sur 7 kilomètres : du Vieux-Port jusqu’à l’Estaque.

Les extensions successives du port sont une preuve de l’importance des activités industrielles du port de Marseille. Celui-ci devient le er port de France et le 6e port du monde. Dans les années 1930, l’activité du port de Marseille un temps réduite à cause de la Première Guerre Mondiale reprend de plus belle. Le port accueille des navires de plus en plus gros où transitent marchandises et passagers. En 1961, la digue du large est une nouvelle fois modernisée pour s’adapter à cet afflux de marchandises. Cinq grues sont implantées sur le côté intérieur de la digue. Elles mesurent chacune 40 mètres de haut et pèsent 72 tonnes. Montées sur des rails, elles permettaient aux dockers de pouvoir charger et décharger plus rapidement et plus facilement les marchandises.

Une fois de plus, ces grues témoignent de l’ingéniosité des ingénieurs marseillais de l’époque. Ce sont des grues de modèle Paindavoine-Man. En effet, l’innovation réside dans le fait que ces engins sont électriques. Auparavant, les grues fonctionnaient grâce à un système hydraulique. Elles sont également montées sur des rails et deviennent ainsi mobiles. Ces grues à la pointe de la modernité permettent aux dockers de charger et décharger plus facilement les marchandises venues des quatre coins du monde à toute heure du jour et de la nuit : du sucre, de l’huile ou encore du coton. Elles participent ainsi à l’essor et au rayonnement du port de Marseille.

Baptisées « les Élégantes », elles sont au même titre que la digue du large une partie intégrante de l’histoire de Marseille et de son patrimoine maritime. Malheureusement, au fil du temps les grues sont endommagées par les embruns et finissent par devenir inutilisables. Cela fait plus de 20 ans qu’elles ont cessé toute activité et pendant un temps, il a même été question de détruire trois d’entre elles. Sauvées in extremis de la destruction en 2018 par le président de la région Renaud Muselier, les grues ont été rénovées. Leur nouveau visage vient d’être dévoilé au grand jour lors d’une cérémonie d’inauguration qui s’est tenue le 15 mars 2021.

L’ancien bâtiment de la Compagnie Paquet : témoin des premières croisières

Un peu plus loin vers l’Estaque après les « Élégantes », la digue du large abrite un autre monument de l’histoire du port de la ville : L’ancien siège de la Compagnie Maritime Paquet. Elle est fondée en 1860 par Nicolas Paquet sous l’appellation « Compagnie de Navigation Marocaine ». Son premier navire à vapeur baptisé « Le Languedoc » transportait des voyageurs à destination du Maroc. Peu à peu, la compagnie se développe et de nouvelles lignes vers d’autres destinations en mer Méditerranée et mer Noire sont ajoutées. En 1913, elle prend définitivement le nom de Compagnie Paquet. Elle perdure jusqu’en 1988 où elle sera ensuite dissoute et achetée par la Compagnie maritime Costa. Le bâtiment est alors laissé l’abandon.

Un artiste allemand : Hartmut Bosbach, y avait élu domicile pendant 25 ans mais il fut contraint de quitter les lieux en 2018 par le port Autonome de Marseille pour des raisons de sécurité. Aujourd’hui abandonné et quelque peu délabré, l’ancien bâtiment constitue toutefois un témoin vivant des premières croisières marseillaises. Tout comme les grues, le bâtiment de la Compagnie Paquet est inscrit à l’Inventaire général du patrimoine culturel de la Région PACA. Cet inventaire permet de constituer des bases de données accessibles à tous au sujet des monuments répertoriés, pour mieux les valoriser, les conserver et les restaurer.

Que devient la digue du large à la fin de l’époque industrielle ?

Lorsqu’elle a été construite, un décret de Napoléon III permettait aux Marseillais de se rendre sur la digue du large et de profiter de la promenade qu’elle offrait. Peu à peu le Port Autonome de Marseille commence à en limiter les accès. Depuis 2001, l’accès a été interdit sous pretexte de l’instauration du plan Vigipirate en France suite à la guerre d’Irak. En réalité, la vraie raison semble venir de la direction du Port qui aurait préféré interdire l’accès à la digue plutôt que de réguler le flux de personnes qui se rendait dans l’enceinte du port.

avec la guerre en Irak et l’instauration du plan Vigipirate en France la digue du large n’est plus accessible au public pour des raisons de sécurité. Les bateaux de croisière et les cargos sont encore nombreux à la longer pour pénétrer à l’intérieur du Port Autonome de Marseille.

Ces dernières années, la digue du large a parfois été transformée en salle d’exposition à ciel ouvert. En 2013, la digue accueille l’exposition d’art contemporain Terrasses de Kader Attia. Les visiteurs pouvaient se rendre en bateau jusqu’à la digue pour se balader parmi les cubes, les escaliers et les tours de cette mini cité réalisée en béton armé et peint à la peinture blanche.

En 2019, lors d’une balade sur la terrasse du centre-commercial des Terrasses du port peut-être aviez-vous remarqué les nombreux conteneurs qui avaient été installés sur la digue. Sur chaque conteneur un mot français d’origine étrangère avait été inscrit. Cette œuvre de 300 mètres de long a été réalisée par l’artiste Alexandre Périgot. Cette œuvre était un hommage direct au multiculturalisme de la ville et à son histoire maritime. À la fin de l’exposition, les conteneurs de l’œuvre ont été remis en circulation.

La réouverture de la digue du large au public constituait l’un des projets du Printemps Marseillais au moment des élections municipales. Même si rien ne semble encore avoir été décidé pour le moment, il n’est pas impossible que les Marseillais puissent un jour à nouveau profiter de l’air marin en arpentant la digue du large. Cela permettrait de donner un nouvel accès à la mer vers le nord de la ville cette fois.

Auteur de l'article :
Emma Antosik
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1 Commentaire

  1. Claude

    “sous Napoléon III en 1844”… franchement?

    Réponse

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