Le drame de Furiani

Sport Le drame de Furiani

crédit photo : AFP / Eric Cabanis.

Aujourd’hui, nous commémorons le triste anniversaire du drame de Furiani. Le 5 mai 1992, le stade Armand-Cesari (situé à Furiani) accueille le match du SC Bastia et de l’OM lors de la demi-finale de la Coupe de France. Juste avant le coup d’envoi, la tribune nord du stade s’effondre. 18 personnes trouvent la mort dans cette chute et 2357 spectateurs sont blessés. 

Une rencontre qui suscite beaucoup d’engouement

Cette demi-finale de la Coupe de France qui doit opposer le SC Bastia à l’OM suscite beaucoup d’engouement. Les Corses en particulier sont en liesse. En effet, depuis la fin de la saison 1985-1986, le SC Bastia évolue en deuxième division (le nom que l’on donnait autrefois à la Ligue 2). L’équipe reste en deuxième division pendant plus de 8 ans. Alors vous comprendrez bien que lorsque le club atteint la demi-finale de la coupe de France pendant la saison 1991-1992, les supporters de Bastia et de toute la Corse en général jubilent. D’autant plus que la demi-finale doit se dérouler sur l’île, dans la petite ville de Furiani ! La rencontre promet d’être exceptionnelle puisque le SC Bastia affrontera l’OM qui est à l’époque leader du Championnat de France

L’OM est désigné comme favori mais le SC Bastia peut surprendre. De nombreux supporters veulent absolument assister à cette rencontre.

Une nouvelle tribune construite en quelques jours

Une nouvelle tribune pour accueillir plus de supporters

L’engouement est tel que les dirigeants du club sont alléchés par l’idée de faire de belles recettes pour ce match. Ils décident de construire une nouvelle tribune au sein du stade de Furiani pour pouvoir accueillir plus de spectateurs. Dans la nuit du 24 au 25 avril, ils rasent la tribune Claude Papi (750 places) sans aucune autorisation. L’idée est de la remplacer par une tribune avec une plus grande capacité d’accueil. Henri Hurand. Le préfet de Haute-Corse de l’époque n’apprend la nouvelle que le 25 avril grâce à la presse locale. Les dirigeants du club font appel à deux entreprises : Sud-Tribunes basée à Nice et Space Locations située à Bordeaux. Cependant, Space Locations se retire très vite du projet. Son directeur Maurice Villena déclare : “dix mille places demandées, c’est irréalisable en si peu de temps, en tout cas pour notre société . »

Le stade Armand-Cesari à Furiani de nos jours. Credit photo : Facebook Sporting Club di Bastia.

Une construction difficile

Sud-Tribunes est la seule entreprise en charge de la construction d’une tribune de 9300 places. Les travaux de construction débutent le 28 avril 1992 soit une semaine avant le match ! Les travaux ne se déroulent pas sans soucis. Sud-Tribunes tente de faire venir de l’hexagone des pièces nécessaires à la construction de cette nouvelle tribune. Le même jour, les dockers débutent une grève dans le port de Marseille. Impossible d’acheminer les différents matériaux jusqu’en Corse. Le préfet de Haute-Corse contacte alors Jean Fournet-Fayard, président de la Fédération Française de Football. Il demande le report du match afin d’obtenir un délai supplémentaire pour finir les travaux. Pour des raisons de calendrier, la FFF refuse la demande du préfet. Sud-Tribunes ne renonce pas pour autant au projet. L’entreprise assure qu’elle dispose de suffisamment de pièces en Corse pour continuer la construction. 

L’intervention d’une comission de sécurité

Au même moment, la Ligue Corse de Football annonce que le nombre de billets supplémentaires demandé par le Sporting Club de Bastia sera mis en vente uniquement si la commission de sécurité donne son accord.

Le 29 avril 1992, plusieurs responsables de la commission départementale de sécurité civile se rendent à Furiani pour inspecter le chantier. Plusieurs représentants de la Direction Départementale de l’Équipement (DDE) les accompagnent. Durant cette réunion, Jean-Marie Boimond, ingénieur pour Sud-Tribunes présente la technique de montage utilisée pour la construction de la tribune.

À  la suite de cette entrevue, la ligue de football corse envoie à la FFF un document stipulant l’avis favorable de la commission de sécurité pour la tenue du match. Cela débloque la mise en vente des tickets supplémentaires.

Le 4 mai 1992, Sud-Tribunes n’a pas encore achevé les travaux de construction de la nouvelle tribune. Une nouvelle commission de sécurité inspecte le chantier. Le bilan de cette commission est très clair. Le niveau de sécurité de la tribune reste insuffisant. 

Le jour du drame de Furiani

Réunion de la dernière comission de sécurité sans le préfet

Les travaux se poursuivent jusqu’au jour du match. Une nouvelle commission de sécurité se réunit alors que le stade ouvre ses portes. La comission donne son accord pour le déroulement du match. Pourtant, ni Henri Hurand, ni son adjoint Raymond le Deun ne sont présents pour présider cette commission. Ils se trouvent au même moment à l’aéroport. C’est le moment d’accueillir comme il se doit Bernard Tapie, ministre de la ville et Emile Zuccarelli, ministre des postes et des télécommunications et président de l’Olympique de Marseille. Le coup d’envoi du match sera donc donné en toute illégalité. Il est nécessaire que tout avis de la commission soit validé par la préfecture ! Or, cela n’a pas été le cas.

Des inquiétudes et une mise en garde non respectée

À quelques heures du coup d’envoi prévu à 20h30, toute la Corse est en liesse ! À Bastia et aux abords du stade, l’heure est à la fête. Les supporters Corses n’ont qu’une idée en tête : Bastia qui renverse l’OM et prend la direction du Parc des Princes pour la finale de la Coupe de France !

La foule se dirige vers Furiani dans les chants, les cris et les klaxons de voiture. Le stade ouvre ses portes à 16h alors que la commission de sécurité est toujours en pleine réunion. Les supporters de l’OM arrivent quant à eux à 18h30. Ils s’installent dans une partie de la tribune sud, reservée pour eux.

Sur la tribune nord, les supporters sont euphoriques et ne cessent de sauter et de taper des pieds en chantant. Plusieurs responsables de la sécurité émettent des inquiétudes. Les cales en bois et les parpaings soutenant la tribune bougent dangereusement. À  20h15, à la demande du service de sécurité, Jean-Pierre Paoli, le speaker du stade prend la parole. Il demande aux supporters de la tribune nord de ne pas taper des pieds surtout sur les parties métalliques. Les supporters n’écoutent pas le speaker.

La tribune s’effondre à quelques minutes du coup d’envoi

Il est 20H23, les joueurs de l’OM viennent tout juste de rentrer aux vestiaires après leur entraînement et les journalistes de TF1 prennent l’antenne pour la retransmission du match à la télévision. Soudain, la partie haute de la tribune s’effondre. Environ 3000 personnes tombent dans le vide. Les spectateurs placés le plus haut sur la tribune font une chute de 15 mètres. Ceux qui ont eu le plus de chance et n’ont pas été blessés dans la chute tente de se frayer un chemin jusqu’à la pelouse à travers le dédale de pièces métalliques.

Certains passent devant les caméras de télévision pour signifier à leur famille qu’ils sont en vie. Les deux unités de SAMU prévues pour le match prennent en charge les premiers blessés. Elles sont vite débordées. À 22h, le ministre de l’Intérieur Paul Quilès déclenche le Plan Rouge :  un plan d’urgence mis en place pour organiser efficacement le transfert de nombreuses victimes.

Le premier bilan du drame de Furiani fait état d’un mort et de 50 blessés. Les secours ont du mal à évacuer les blessés car  il n’y a qu’une seule route pour accéder au stade. Les hôpitaux de la région sont très vite saturés. L’aéroport de Bastia est réquisitionné pour transporter les blessés vers les hôpitaux de Marseille et de Nice. En réalité, le bilan définitif du drame de Furiani s’élève à 18 morts et 2357 blessés.

Les retombées du drame de Furiani

Quelques jours après le drame, grâce à la presse locale on se rend compte que le premier avis favorable de la commission de sécurité envoyé par la ligue de Football Corse à la FFF est en réalité un faux ! En réalité, devant les constatations des pompiers, les dirigeants de la commission de sécurité avaient fait part de leur réserve quant à la sécurité de la tribune ! L’enquête permet de mettre en lumière les différents défauts d’assemblage de la tribune. Les enquêteurs affirment que la tribune ne pouvait que s’écrouler sous le poids des spectateurs.

Les conséquences sportives

Les joueurs de l’OM et du SC Bastia refusent de rejouer le match. Un avis partagé par Michel Platini alors sélectionneur de l’équipe de France. Le match ne se déroulera jamais. Par conséquent, la finale de la Coupe de France n’a pas eu lieu cette année-là. Durant l’autre demi-finale, Monaco a remporté son match contre Cannes durant les tirs au but. Les joueurs monégasques gagnent leur ticket pour la 2ème coupe d’Europe, la Coupe des Coupes.

Les conséquences judiciaires

L’accident aura bien entendu des suites judiciaires. Le 31 octobre 1995, le tribunal correctionnel de Bastia rend son jugement au sujet du drame de Furiani. Le tribunal sanctionne plusieurs personalités responsables du projet.

  • Jean-Marie Boimond (le directeur de Sud-Tribunes) qui a supervisé la construction et condamné à 24 mois de prison ferme et 30 000 francs d’amende.
  • Michel Lorenzi (le vice-président du SC Bastia) est condamné 24 mois de prison ferme et 30 000 francs d’amende car il est l’instigateur du faux procès verbal. Finalement 10 mois de prison avec sursis et 15 000 francs d’amende en cour d’appel)
  • Bernard Rossi (dirigeant de la Socotec qui a effectué les contrôles techniques) est condamné à 18 mois de prison ferme et 30 000 francs d’amende en première instance (20 mois avec sursis en cour d’appel)
  • Etienne Galeazzi (secrétaire général de la Ligue de Football Corse) est condamné à 18 mois de prison ferme et 30 000 francs d’amende. (20 mois avec sursis en cour d’appel.)
  • Ange Paolacci (secrétaire administratif de la Ligue de football Corse) est condamné à 18 mois ferme et 30 000 francs d’amende. (20 mois avec sursis en appel)
  • Yves Bartolini (membre du comité directeur de la Ligue de football Corse) est condamné à 12 mois ferme et 30 000 francs d’amende. (10 mois avec sursis et 15 000 francs d’amende en appel).
  • Luc Pilard (président de la commission d’organisation de la coupe de France) est condamné à 18 mois avec sursis. (20 mois avec sursis en appel).
  • Michel Cagnion (directeur général de la FFF) : 18  mois avec sursis . (20 mois avec sursis en appel.)
  • Raymond le Deun (directeur du cabinet du préfet) est d’abord relaxé. Il est ensuite condamné à 20 mois de prison avec sursis et 30 000 euros de francs d’amende en appel.

Les conséquences légales

Le 13 février 2020, le Sénat adopte la proposition de loi portée par le député de la 1ere circonscription de Haute-Corse : Michel Castellani. Plus aucun match de football professionnel ne se jouera le 5 mai désormais. Attention, le texte de loi concerne seulement les matchs nationaux. Cela veut dire que des matchs peuvent avoir lieu en France dans le cadre de compétitions internationales si un club français est  concerné. Le football amateur est également libre de programmer un match le 5 mai. Les joueurs devront cependant porter un brassard noir et faire une minute de silence.

Après plus de 30 ans d’attente, c’est une libération pour les familles des victimes qui ont longtemps milité pour empêcher la tenue des matchs de football ce jour-là, en hommage à tous ceux qui ont perdu la vie dans le drame de Furiani.

La stèle en hommage aux victimes du drame de Furiani devant le stade Armand Césari. crédit photo : Page Facebook Sporting Club di Bastia.

Pour plus d’informations sur la loi Castellani, vous pouvez consulter l’article de France Info à ce sujet.

Auteur de l'article :
Emma Antosik
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