Le Picon est un alcool particulièrement apprécié dans le nord de la France ! Pourtant c’est à Marseille qu’est née l’histoire de cet amer couleur caramel à base de zestes d’orange. Le Tarpin Bien vous en dit plus sur les origines méconnues de cette boisson !
L’Amer Africain, l’ancêtre du Picon qui soigna les soldats français en Algérie
Aux origines du Picon, on trouve Gaétan Picon, un italien originaire de la République de Gênes qui s’installe à Marseille avec sa famille en 1815 au moment de la chute de Napoléon Bonaparte. C’est dans la région d’Aix-Marseille que Gaétan Picon, une fois adulte, réalise une formation à la distillation. En 1830, alors qu’il est apprenti dans une distillerie, il est envoyé en Algérie en tant que soldat. À cette époque, de nombreuses épidémies se propagent parmi les soldats de l’Armée Française : fièvre, dysenterie, paludisme… Les soldats contractent les maladies en consommant de l’eau impropre. Gaétan Picon sera lui-même touché par le paludisme et décide alors de mettre à profit ses talents de distillateur pour soulager son mal-être.
Pour cela, il fait infuser des oranges fraîches et séchées dans de l’eau-de-vie avec de la gentiane (une plante de montagne aux vertus médicinales) et de la quinine ( un alcaloïde naturel issu du quinquina, un arbuste originaire de l’Équateur). C’est un succès, puisque le breuvage parvient à le guérir. La nouvelle se répand dans les troupes et Gaétan Picon est chargé de préparer sa boisson en plus grande quantité. Les soldats la consommaient coupée à l’eau. Elle permet notamment de faire baisser la fièvre, détruit les germes et possède des propriétés désaltérantes. À partir de 1837, Picon commercialise sa boisson sous le nom d’Amer Africain. C’est le début d’une longue histoire pour le Picon.
C’est grâce à Jean-Baptiste Nouvion, le sous-préfet de Philippeville (une ville algérienne aujourd’hui renommée Skikda) que l’amer connaît un véritable succès. Nouvion en fait expédier une caisse à l’insu de Gaétan Picon au jury de l’exposition universelle de Londres en 1962. L’amer Africain obtiendra la médaille de bronze.
Le développement du Picon à Marseille
Lorsque Gaétan Picon revient à Marseille dix ans plus tard, il installe son usine rue de l’Olivier. L’Amer Africain est alors renommé et devient l’Amer Picon. En 1886, année de son décès, les cinq héritiers de la société : le fils et les quatre gendres de Gaétan Picon rachètent un terrain aux religieuses du Saint-Nom-de-Jésus. D’une superficie de 4 520 m2, ce terrain se situe au début du boulevard National. Les héritiers chargent alors l’architecte Louis Peyron d’y construire leur usine.
L’usine s’étendait sur trois rues : entre le 7 et le 9 du boulevard National, le 57 et le 61 de la rue du Coq et le 34 et 38 de la rue de la Rotonde. Des centaines d’employés y ont travaillé pendant des décennies. Dans les années 1930, le Picon devient l’apéritif préféré des français. Il est consommé sous plusieurs formes : avec de l’eau froide pétillante ou non, avec de l’eau chaude et du miel pour en faire un grog mais aussi avec du lait, du vin ou du tonic. À la fin du XIXe siècle, le succès est tel que l’usine Marseillaise n’est plus la seule. On retrouve des usines Picon à Lyon, Bordeaux, Barcelone ou encore Genève.
L’usine de Marseille fermera ses portes en 1958. Le site sera d’abord racheté par EDF avant d’être divisé pour en faire des immeubles d’habitations et des bureaux. Toutefois, Marseille a souhaité conserver le patrimoine de cette boisson unique en son genre. Si vous vous rendez sur le site de l’ancienne usine vous pourrez encore contempler les initiales P et C ( pour Picon et Compagnie) apposées sur les façades du bâtiment. Les façades sont également ornés de fruits et de végétaux qui mettent à l’honneur le principal ingrédient de l’amer : l’orange. Ces sculptures ont été réalisés par Ingénu Frétigny. Du côté du boulevard National, le buste de Gaétan Picon est encore visible au-dessus de l’une des portes d’entrée.
Mais alors pourquoi l’histoire du Picon est aujourd’hui méconnue à Marseille ?
Depuis 1958, la marque n’a plus aucune attache en Provence. Le Picon connaîtra sa véritable heure de gloire en 1960 lorsqu’il est mélangé pour la première fois avec de la bière, ce qui achèvera de séduire les habitants du nord et de l’est de la France. Résultat, c’est aujourd’hui dans le nord de la France que le Picon est le plus consommé. Dans le sud, la boisson est un peu tombée dans l’oubli et il est rare de la retrouver sur les tables des bars de la ville. C’est pour cette raison sans-doute que les origines Marseillaises de cette boisson restent méconnues.
La preuve du succès passé du Picon à Marseille réside toutefois dans l’une des scènes cultes du film Marius réalisé par Marcel Pagnol en 1931 où César apprend à Marius à créer un cocktail à base de Picon, de citron et de curaçao !