Cette semaine, partez à la découverte de l’histoire industrielle et culturelle de Marseille. Direction la Joliette et ses alentours !
Quelques mots sur le quartier de la Joliette
Située au nord du Vieux-Port et du Panier, la Joliette est un quartier du 2e arrondissement de Marseille. Selon la légende, le nom du quartier viendrait de Jules César qui y aurait établi son camp pendant le siège de Massalia en 49 av. J-C et sa rivalité avec Pompée. En réalité, il semblerait que le nom « Joliette » vienne plutôt d’une propriété qui était installée dans le quartier sous l’Ancien Régime.
Pendant de nombreuses années, la Joliette est devenue le poumon économique de la ville de Marseille. À partir des années 1840, lorsque le trafic maritime commence à prendre de plus en plus d’ampleur et que le Vieux-Port devient trop exigu pour accueillir tous les bateaux, le gouvernement ordonne la construction du bassin de la Joliette et de la digue du large. Le bassin est utilisé à partir de 1847. Il sera agrandi par la suite avec la création du bassin du Lazaret puis du bassin d’Arenc. La création du port pousse de nombreux industriels à s’installer dans le quartier.
Pour en savoir plus sur la construction du port et de la célèbre digue du large, c’est par ici :
La chute de l’activité industrielle provoque toutefois le déclin du quartier qui sera laissé à l’abandon pendant de nombreuses années. C’est grâce au projet Euromediteranée lancé dans les années 1990 que la Joliette retrouve son énergie d’autrefois. Le quartier devient un véritable centre d’affaires. C’est d’ailleurs le 4e centre d’affaires de France. C’est également le lieu idéal pour faire du shopping avec la création des Terrasses du Port en 2014 et celle des Docks Village en 2015. Côté culture, la Joliette n’est pas en reste puisque le quartier abrite un cinéma, une salle de spectacle et un théâtre.
Les tours de la CMA CGM et de la Marseillaise
Notre balade débute tout au bout du Quai d’Arenc, au pied des tours de la CMA CGM et de la Marseillaise. Ces deux tours témoignent bien de la métamorphose totale de l’architecture du quartier et de son activité.
La tour CMA CGM est la première des deux tours à sortir de la terre en 2010. Elle a été imaginée par l’architecte Zaha Hadid dans un style déconstructiviste. Un mouvement architectural apparu dans les années 1990 qui cherche à créer une rupture avec les traditions, l’histoire et la société. Le plus souvent, les bâtiments de cette architecture sont construits avec des volumes irréguliers, avec des matériaux nouveaux et légers et manquent de symétrie. La tour CMA CGM a été construite avec une ossature en béton et comprend 53 000 m2 de surface vitrée. Elle culmine à 145 mètres de haut et devient de ce fait la plus haute tour de Marseille. Toutefois, à la demande du maire Jean-Claude Gaudin, la tour ne dépasse pas la hauteur de Notre-Dame de la Garde qui surplombe la ville de 154 mètres. Sans cette requête, la tour aurait certainement été plus haute.
La tour La Marseillaise se situe quelques mètres plus loin en direction des Docks. Sa construction débute en 2014 et s’achève en 2018. Elle a été imaginée par l’architecte Jean Nouvel. Elle culmine à 135 mètres de haut et devient ainsi la deuxième plus haute de la ville derrière la CMA CGM. La renommée de cette tour réside principalement dans l’originalité de sa façade. La tour est peinte avec 30 couleurs différentes ceci pour illustrer l’envie de l’architecte de refléter la diversité de la ville. Suivant l’angle de vue avec lequel on l’observe, les reflets et les teintes de la tour vont changer. Cet effet est permis grâce à l’utilisation 3 850 brise-soleil dans la construction de la façade.
Le silo
Continuez votre chemin sur le Quai d’Arenc qui devient ensuite quai du Lazaret pour arriver devant la salle de spectacle du Silo. Inaugurée en 2011, c’est aujourd’hui une des principales salle de spectacles de Marseille où vous vous êtes sûrement déjà rendus pour assister à un concert ou à un spectacle. L’histoire du Silo est en réalité beaucoup plus ancienne puisque c’est un ancien bâtiment industriel qui a d’abord servi de silo à grains pendant plus de 50 ans !
Le Silo est construit en 1924 pour permettre le stockage des céréales en transit sur le port et dont le volume ne cessait de croître. Construit sur pilotis, le Silo contient 57 fûts cylindriques et s’étend sur 16 000 m2, ce qui fait de lui l’un des plus gros silos portuaires de l’époque. Il était également à la pointe de la modernité puisque la quasi-totalité de son circuit à grains fonctionnait de manière automatique. Le Silo fonctionnera jusque dans les années 1980. Par la suite, il sera laissé à l’abandon pendant plusieurs années. À la fin des années 1990, sa destruction est envisagée car le bâtiment est désaffecté et que le port de la Joliette est à l’époque en plein réaménagement.
En 2000, la Ville de Marseille finit par acquérir le Silo pour le reconvertir en une salle de spectacle et ainsi le sauver de la démolition. La réhabilitation du bâtiment sera confiée à deux architectes : Éric Castaldi qui s’est chargé de la partie bureaux et Roland Carta de la partie spectacle. Les travaux débuteront en 2007. En 2004, le Silo est labellisé « Patrimoine du XXe siècle », ce qui signifie que l’architecture initiale du bâtiment doit être conservée dans le cadre de sa réhabilitation.
Les docks
Les docks se constituent d’une suite de 5 bâtiments de 7 étages d’une longueur de 365 mètres. Ils ont été construit entre 1858 et 1864 sur le modèle des Docks anglais. Ils servaient autrefois d’entrepôts pour les marchandises qui transitaient par le port avant d’être réhabilités et transformés en bureaux. Depuis 2015, le centre-commercial des Docks Village installé au rez-de-chaussée du bâtiment tente de donner un nouveau souffle au bâtiment et constitue un nouveau lieu de vie pour le quartier. Boutiques de créateurs, artisanat, cafés, bars et espace de restauration s’y sont installés.
L’architecture du centre met en valeur la pierre, la céramique, la végétalisation et la lumière. La façade extérieure nord que vous contemplerez avant d’entrer dans le centre pour continuer votre balade a été imaginée par l’architecte Alfonso Femia. Cette œuvre d’art monumentale se compose d’une succession de 30 709 lettres. Les mots qui y sont apposés sont empruntés aux grands auteurs : Montesquieu, Balzac ou encore Hemingway et évoquent la vision qu’ils ont de Marseille dans leurs écrits.
Le boulevard des Dames
En traversant les Docks, vous ressortirez place de la Joliette. C’est sur cette place que se tient le marché de la Joliette du lundi au samedi. Engagez-vous sur le quai de la Joliette qui remonte jusqu’à la Major et le MuCEM, jusqu’au croisement avec le boulevard des Dames.
Le boulevard des Dames relie le quai de la Joliette à la porte d’Aix en suivant le tracé des anciens remparts de Marseille. Le boulevard des Dames doit son nom aux marseillaises qui lors du siège de la ville en 1524 par Charles Quint, vinrent à la rescousse des hommes pour aider à faire reculer les soldats. Le boulevard est ainsi nommé en 1805 pour rendre hommage au courage de ces femmes.
La porte d’Aix
La montée du boulevard des Dames vous conduira jusqu’à la Porte d’Aix. Le projet de construction d’un arc de triomphe monumental à Marseille était déjà discuté sous l’Ancien Régime. Les échevins de la ville qui venaient de toucher un bénéfice de 200 000 livres grâce à la vente de l’Arsenal des Galères souhaitaient construire un arc de triomphe en l’honneur de Louis XVI pour célébrer la fin de la Guerre d’Indépendance aux Etats-Unis. C’est à cette époque que fût choisi l’emplacement du monument : sur la place Jules Guesde, à l’endroit où était jadis installé la porte des anciens remparts de la ville qui s’ouvraient sur la route d’Aix-en-Provence. Cela explique que l’arc de triomphe soit communément appelé « porte d’Aix » aujourd’hui.
En réalité, le projet de construction fut abandonné au moment de la Révolution Française et ne sera repris qu’en 1823 sur l’initiative du maire de l’époque, le marquis de Montgrand pour commémorer les victoires du duc d’Angoulême en Espagne.
La construction débute en 1825 et s’achève en 1837 soit quelques mois après l’inauguration de l’arc de Triomphe de Paris. L’architecture du monument rappelle celle de l’arc de Titus, un arc de triomphe construit à Rome en 81 après Jésus-Christ par l’empereur Domitien. Finalement, ce ne furent pas les exploits du duc d’Angoulême qui furent mis en avant par les sculptures apposées sur l’arc mais les batailles de Fleurus, d’Héliopolis, d’Austerlitz et de Marengo qui ont été réalisées par David d’Angers et Jules Ramey à la demande de la Ville de Marseille.
L’Alcazar
Depuis l’Arc de Triomphe, redescendez vers le centre-ville par la rue d’Aix. Vous arriverez devant l’entrée de la bibliothèque municipale de l’Alcazar. L’Alcazar est aujourd’hui une bibliothèque mais cela n’a pas toujours été le cas. À l’origine, c’était une salle de spectacle baptisée l’Alcazar lyrique. Elle a ouvert ses portes en 1857 sur le cours Belsunce. À l’époque, le quartier est l’un des plus fréquentés de Marseille. Étienne Demolins, le propriétaire des lieux avait investi beaucoup d’argent pour donner au lieu un style mauresque inspiré de l’Alhambra de Grenade. Cette salle faisait sa fierté et il se vantait régulièrement d’avoir fait construire « le plus vaste café-concert du continent ». En tout, l’Alcazar pouvait accueillir 2 000 personnes simultanément. Les spectateurs avaient la possibilité de s’attabler pour fumer et boire pendant la représentation.
Pas moins de trois ans après son ouverture, l’Alcazar possède déjà une bonne réputation nationale et de grandes vedettes parisiennes s’y produisent. À cette époque, la réputation de dureté du public Marseillais se forge peu à peu. Les spectateurs n’hésitaient pas à montrer leur mécontentement si mécontentement il y avait en lançant quolibets et projectiles aux artistes.
Un incendie se déclarera dans la salle en 1873 à cause d’un feu d’artifice de clôture d’une représentation. L’incident ne fit aucune victimes mais à part les murs porteurs, il ne restait plus rien du bâtiment d’origine. L’Alcazar sera ensuite rénové et c’est au cours de cette rénovation que sera créée la porte d’entrée et sa marquise que l’on peut encore admirer aujourd’hui. L’entrée est d’ailleurs classée aux Bâtiments de France.
Au XXe siècle, plusieurs artistes célèbres font leur premier pas sur la scène de l’Alcazar parmi eux Yves Montand, Dalida, Fernandel ou encore Tino Rossi. Dans les années 1950, l’Alcazar finira par connaître sa première crise financière, l’arrivée de la télévision lui faisant beaucoup de concurrence. La salle finira par fermer ses portes en août 1966. Le lieu sera finalement reconverti en bibliothèque en 2004. La bibliothèque municipale de l’Alcazar possède plus d’un million de documents dans ses collections et est devenu l’un des lieux de recherche les plus importants de Marseille.